La course à pied :

C’est partie, le monde s’était amassé en masse (j’aime les assonances ^^) et l’effervescence était au rendez-vous. L’excitation et la ferveur du public augmente cet effet de dingue qui nous transporte. Premier ravito à la sortie du parc, on me repropose un massage (encore ? faut pas abuser) « Non merci j’ai déjà eu ». Je recharge ma gourde avec de l’eau fraîche est c’est partie !

Je passe devant ma Jiji et les supporters du club Yerrois ! =) L’ambiance est bonne et ça fait un bien fou.

Je pars pour un tour de 14 km. Comme je l’ai toujours fait, je vais m’arrêter à chaque ravito et ça dès le début ! J’ai un physique qui répond bien, mais uniquement parce que je lui apporte ce qu’il faut, je ne vais pas si proche du but tout gâcher.

L’allure se fixe toute seule ! Je veux courir à la sensation. Guy nous a conseillé de partir plus lentement, mais à ce moment de la course, je n’ai pas envie de ralentir, car je cours à 10.5km/h et sans forcer ! Je veux profiter de cette sensation un maximum, si elle dure tant mieux sinon tant pis.

Je passe les ravitos un a un et cours dans toutes les montées, sauf une partie de la bosse qui ne m’apporte pas grand-chose quand je regarde ma vitesse sur ma montre. Je décide de marcher et de relancer pour le moment relancer n’est pas un problème.

Je boucle mon premier tour à 1h33 de course. Je suis super content, j’ai vu que je commençais à réduire mon allure à 9/9.5 sur la fin. J’avais une gêne sous le pied, comme un début de cloque mais bon il fallait gérer la douleur/gêne.

Je repasse par la case massage. J’ai des douleurs légères dans les jambes, je décide de voir ce que donne le massage sur la longueur. Je repasse devant la case encouragement et c’est top, je me sens bien, je sens que je vais faire un bon deuxième tour.

La première boucle se passe bien, je reviens vers Jiji à qui j’avais demandé la moyenne pour un marathon en 5h. Elle m’avait répondu 8.4. J’ai continué mon allure à environ 8.5-9 km/h, je me suis dit qu’en abaissant encore de 1 km/h au dernier tour ça pourrait passer.

Jusque-là tout était parfait dans le meilleur des mondes, je continuais de m’arrêter à chaque ravito et je relançais toujours sauf lors de la côte. Je voyais que j’avais un peu plus de mal.

Mais petit à petit, j’ai commencé à sentir une difficulté pour respirer. Comme si ma cage thoracique ne parvenait pas bien à s’ouvrir complètement, je sentais que j’avais du mal à ventiler. Mais bon des douleurs j’en ai eu et ce n’était pas ça qui allait m’empêcher de continuer. J’ai réduit ma vitesse pour l’ajuster à la respiration que j’arrivais à conserver, car je savais bien que la respiration alimentait mes muscles en oxygène, il fallait donc que je réduise ma vitesse et donc mes demandes en oxygène si je n’arrivais pas à bien ventiler.

Vient ensuite une douleur assez forte sur le muscle avant tibia droit. J’ai dû vouloir compenser cette douleur avec la jambe gauche, sauf qu’après c’était la cheville gauche qui me gênait.

J’ai rapidement fait mes calculs en me disant qu’il fallait que je réduise mon allure pour la conserver jusqu’à la fin du deuxième tour et après si je devais marcher tant pis.

Rien ne s’est passé comme prévu, j’avais de plus en plus de mal à respirer et une douleur au cœur est survenue, comme si on me le serrait, j’en ai quelques fois et après des analyses dans un laboratoire on m’avait dit que ça touchait 10% des gens mais que ce n’était pas grave. Or ça n’arrive pas en course normalement. J’ai maintenu un peu avant de marcher jusqu’à la côte de 2h09 à 2h14 et j’ai repris ma course à pied normalement même si les problèmes étaient toujours présent.

Je commence à sentir une gêne au genou gauche. Qui se transforme rapidement en douleur, c’est dingue comme ça va vite quand on se focalise dessus lors d’une course.^^

Je continue, mais je sais que cette douleur va être très compliquée à gérer jusqu’à la fin !

A 2h35 de course, une douleur très vive au talon d’Achille gauche me lance, sans hésitation, je m’arrête. J’ai souvent des douleurs au talon d’Achille mais elles sont supportables et je compense toujours, notamment à vélo lors du triathlon lac des sapins par exemple. Mais là je me suis retrouvé devant un mur. Je me remets à marcher et vois que la douleur n’est pas présente. Mon but est d’avancer, je repense au temps qu’il me reste et fais un choix entre deux solutions.

1er soit je cours en forçant, mais au vu de mon état je ne donne pas cher de ma peau. Avoir fait tout ça pour abandonner ? Rien que l’idée me dégoûte et me fais peur aussi.

2ème je suis venu ici pour faire Embrun, mon objectif est de franchir cette ligne quoi qui m’en coûte ! Je vais donc marcher !

Je sais que je suis bientôt au croisement où sera Jiji, je commence à préparer mon approche et mes questions.

Je passe le ravito, dernière ligne droite et je vois Jiji. Je profite de la descente pour me remettre à trottiner. La douleur au genou me fait grimacer. Je vois Jiji au loin, elle crie mon nom. Je lui dis « shut ! » de loin et je finis par m’emporter en étant à sa hauteur en lui disant de se taire car ça va pas du tout. La fatigue c’est pas beau à voir sur les réactions.^^

Je lui demande de me suivre en marchant, j’ai peur que les arbitres me disqualifient pour avoir demandé quelque chose. Et comme c’est mon premier, je ne veux pas me faire disqualifier pour si peu. Ça peut paraitre bête, mais dans ces moments-là on ne pense qu’à éviter le pire.

Je lui demande le temps nécessaire pour finir les 21 km restant à une vitesse de 5 km/h.

Lors de la petite descente, je recommence à courir mais la douleur au tendon revient en plus de celle du genou gauche. Une autre douleur s’intensifie aussi, celle de ma cheville gauche que je supporte depuis pas mal de kilomètres. Mais là rien à faire, ça tire à chaque pas. Enfaite j’ai mal aux jambes. C’est normal arrivé à ce stade de course remarque. Mais c’est rageant car les douleurs ne sont pas musculaires mais articulaires ou tendineuses.

Je le savais que 3 sorties longues pour préparer un marathon n’était pas assez et que j’allais le payer à un moment donné, mais je ne savais pas que ça me ferait aussi mal psychologiquement de marcher aussi longtemps. Ce n’est que le début à ce moment précis de la course.

Puis à mon retour de la petite boucle je lui demande le temps pour 5.5 et 6 km/h pour 18 km. Je lui demande aussi à quelle heure le soleil se couche, car j’ai mes lunettes de soleil sur le nez.

C’est bon je vais pouvoir finir dans les temps en marchant. Je suis soulagé mais je commence ma marche la plus longue de ma vie !

D’ailleurs Jiji me dit que je marche vite et qu’elle n’arrive pas à me suivre en marchant.^^

Mais bon je me retourne à plusieurs reprises, je l’a vois une fois sur son téléphone, une autre fois en train de courir pour revenir à ma hauteur. Heureusement qu’elle est là et ça me fait du bien.

Je reprends une session de massage et croise une arbitre. Je lui demande si je peux prendre ma frontale dans le parc à vélo, elle me dit au prochain tour, c’est le dernier, elle me dit que ça devrait aller.

Je repars, remercie les gars et c’est bon dans ma tête, je sais que je vais le faire. 14 km j’en ai pour plus de 2h30 de course, enfin de marche ^^

Je trouve un compère avec qui je parle pendant un long moment, il finit par recourir en descendant. Je le laisse partir et me dis « allez je le tente », lors de la descente je laisse mon corps repartir mais je m’arrête aussi sec et continu de marcher. Dans ma tête, à ce moment-là, je me dis « laisse tomber guillaume ton corps te dit merde, allez il faut que tu finisses, ton objectif c’est la ligne ! »

Les kilomètres sont longs et j’en ai marre ! Je suis agacé de pas pouvoir courir. Là pour le coup les autres ont bien joué à PAC MAN ^^ C’est frustrant de faire une belle course et de se faire happer par son propre corps. Plus les kilomètres passent, plus on se pose de questions. Ce qui n’est pas très bon.

D’ailleurs je finis même par me demander si je ne vais pas avoir un problème pour marcher, simplement marcher… Je fais donc attention à chaque ravitaillement de bien m’alimenter, mais plus les kilomètres passent, moins j’ai faim.

Je me force aussi à boire mais j’ai l’impression que marcher me demande rien. Pourtant mon corps commence à donner quelques signes, surement dû au temps d’effort.

A 8km de l’arrivée mes quadriceps se raidissent. Je commence enfin à être musculairement atteint. 8 km, je vais le faire aller, je ne lâche rien. Je dois ralentir un peu ma marche, mais je continu d’avancer vers la ligne.

Le noir commence à arriver, je suis en lunettes de soleil, je sais que je vais rentrer de nuit.

A 6 km de la ligne, j’ai ma douleur à la cheville gauche qui revient. Je sais que mon corps me lâche, mais je lui demande encore un petit effort.

A 5 km de l’arrivée, je me mets à boiter. J’essaie de ne pas trop diminuer ma vitesse, car déjà que c’est long mais là ça serait interminable.^^

L’obscurité devient totale à la fin de mon 5ème km. Je souris en repensant à ce que m’a dit l’arbitre ça va aller. Pas vraiment, je suis sur un chemin de terrain et de cailloux, j’hésite à retirer mes lunettes mais après un essai, j’ai décidé de les garder. Car à chaque pas remettre ses lunettes car on ne sait pas si  c’est un trou ou un caillou, ce n’est pas la joie. Au bout d’un kilomètre mes yeux ont fini par s’habituer un peu au noir et je pouvais continuer à voir avec mes lunettes. Sur la dernière ligne droite de plus de 2 km (3 km de la ligne) deux arbitres me demandent si ça va, je dis que ça va, je boite et j’ai mes lunettes de soleil sur le nez pour voir en pleine nuit mais je vais aller au bout, ils repartent pour aider des personnes qui étaient en train de courir et il leur restait plus de 6 km.

Je suis dans la dernière ligne droite, mais une ligne droite de plus de 30 min c’est long quand même ^^.

Je vois des personnes depuis plusieurs kilomètres se faire accompagner par des amis, moi j’aimerais tellement que Jiji soit là. Les derniers kilomètres sont vraiment longs.

Je sais que c’est la fin d’une longue journée, je lève la tête pour regarder la Lune, c’est bientôt la fin d’une journée extraordinaire. Même de nuit des supporters sont encore là à nous encourager ! Il va être 22h et des gens sont là à nous soutenir. Je n’en reviens pas de leur dévotion. On leur doit beaucoup ! Sur un parcours aussi difficile ces spectateurs sont tellement importants.

Certains m’ont vu marcher, mais été là à dire, « c’est bien garder l’allure tu vas le faire Guillaume ! » ou encore « Allez Guillaume courage, c’est la fin » Et oui, la fin d’une longue journée de sport ! ☺ Quelle course ! Je grimace et fais des « pouces » aux supporters et je leur dis « merci à vous ».

Sur le parcours, j’ai pu remercier certains bénévoles, mais ils sont en or ! Sans eux on ne serait pas là.

J’ai sur les derniers kilomètres pensé à tout ça et j’ai eu les larmes aux yeux à plusieurs reprises.

La foule me relance ! « Allez Guillaume » ça y est je pense à la ligne ! La journée se termine ! Un exploit, une épreuve aussi magnifique que Embrun ! Je l’ai fait ?!  Bientôt…

Je remercie tout le monde, je tape dans les mains des petits qui sont bras tendus, c’est trop chou !

J’arrive enfin sur le tapis bleu, courir ? À quoi bon, j’ai marché 20 km ! Je n’ai pas à faire semblant d’une réalité qui est celle qu’il voit, un mec en pleine nuit avec ses lunettes de soleil et qui boite comme un mort vivant !^^

J’applaudis dans mes mains tout le temps que dure la descente et fait des « pouces » en direction du public de gauche puis de droite ! Je n’ai que ça à dire Merci à vous sans qui EMBRUNMAN ne serait pas EMBRUNMAN ! Je ne peux m’empêcher de les applaudir, je n’entends plus rien, je ne pense à rien. Je n’entends même pas ce que dit le speaker tellement le public scande mon prénom ! En écrivant ces lignes j’en ai les larmes aux yeux, mais quelle journée ! Quelle ambiance ! C’est dingue, je crois que je viens de vivre l’une des plus belles journées de ma vie ! Je m’arrête d’applaudir car j’arrive à 8 mètres de la ligne. Je souris, regarde devant moi, franchis la ligne et brandis les bras au ciel en guise de victoire. Le photographe me prend en photo, je vois une petite fille me tendre une médaille, je retire ma casquette et elle m’enfile ma médaille. Je l’embrasse sur le front. Une autre me demande ma taille, je dis M et on me donne un T-shirt. Je vois enfin Jiji devant moi. Moi qui l’avait cherché lors de ma descente sur le tapis bleu, elle est devant moi exaltante de joie.